Nous sommes pris dans une crise extraordinaire qui nous oblige à rester assignés à résidence, et qui, pour adapter cet article à notre situation précise en Nouvelle-Zélande, nous impose de rester dans le pays ou de le quitter définitivement. Les termes d’oppression, de privation de liberté, d’impuissance, de décision impossible et pour autant inévitable sont de plus en plus présents dans les interactions sociales. Un quotidien qui pourrait être léger et source de plaisir. Qui « pourrait », oui mais qui ne l’est plus systématiquement car cette question touche de plus en plus de personnes, hommes et femmes confondus.
Hier, je lisais un essai récent (datant de 2019) rédigé par une jeune femme appartenant à la génération Third Culture, mention que l’on trouve dorénavant sur les CV des jeunes en recherche de premier ou deuxième emploi, ou de poste VIE. Cette nouvelle dénomination concerne une jeunesse qui a passé sa vie dans un ou plusieurs pays étrangers, diffèrent donc du pays d’origine des deux parents.
Lors d’une émission à la BBC, Third culture kids sont devenus Citizens of everywhere and nowhere, sujet sur lequel j’aurai plaisir à revenir ultérieurement car il amène déjà nombreuses pistes de questionnement – Où sont nos racines ? Pourquoi sommes-nous expatriés ? Que cherche-t-on dans ce style de vie ?
Que ce soit par curiosité, pour de meilleurs opportunités professionnelles, par amour, pour un style de vie diffèrent ou même par nécessité absolue de s’épanouir loin de sa famille... Dans le premier paragraphe de l’essai, il était question de rappeler que grâce à la mondialisation, il n’avait jamais été aussi simple de s’installer à l’étranger. Les problèmes auxquels les expatriés peuvent être confrontés lors de leur délocalisation étaient alors traités en se basant sur les théories psychanalytiques du développement, mais aujourd’hui, qu’en est-il ?
Pour soutenir par exemple, un membre de leur famille, malade peut être, ou en fin de vie dans les cas extrêmes, ou pour être présents lors d’un mariage, d’une naissance, d’un anniversaire, d’une célébration de fin d’études ou autres évènements importants dans la vie d’une famille, comme la nouvelle année ; en Nouvelle-Zélande, les nombreux expatriés ou immigrés qui ne possèdent pas le statut de résident ne peuvent en aucun cas espérer revenir reprendre la vie qu’ils ont mise en place ici, s'ils décident de se rendre ponctuellement dans leur pays d’origine.
Comment se traduit cette restriction au niveau psychologique ?
Aujourd’hui, les symptômes sont une épidémie de fatigue extrême, une perte d’enthousiasme, apathie, difficultés à apprécier ce quotidien dans lequel nous avons mis beaucoup d’énergie et qui peut sembler paradisiaque vue d’ailleurs, car oui l’été est enfin là, nous sommes libres de tous mouvements au sein du pays, les commerces et autres boutiques sont ouverts et on ne parle pas trop ici des dégâts économiques dû au confinement de l’année passée. Les conséquences psychologiques, en revanche, sont quant à elles de plus en plus palpables dans les interactions sociales quotidiennes.
Il n’est même pas question d’accepter ou non d’être emprisonnés en quarantaine ici, à un coût additionnel au coût du voyage évidemment. Il est juste question de renoncer du jour au lendemain à ce que nous avons investi ici, renoncer à cette vie qui nous plait, nous convient et nous épanouis au quotidien. Renoncer définitivement, ou alors rester encore 1 an, deux ans, ou qui sait, sans voir ses proches.
Ce sujet peut devenir insupportable, avec des questionnements obsessionnels qui génèrent de l’inconfort, du stress, de l’angoisse et rapidement des insomnies, sans avoir de recul pour se poser et évaluer la situation de façon raisonnée, certes, et encore moins de façon émotionnelle. N’attendez pas pour en parler !
Comments